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Créateurs d’entreprises : Vous êtes des cautions averties !

signature contrat

Les créateurs d’entreprises ont très souvent besoin de financement. Dès lors qu’un financement leur est accordé par un établissement financier, il n’est pas rare qu’un cautionnement soit mis en place par l’établissement financier pour garantir le paiement de l’emprunt.

C’est par un arrêt de la Cour de Cassation du 14 octobre dernier, n°13-24358, qu’un créateur d’un commerce qui avait invoqué sa méconnaissance de la vente au détail pour échapper à son engagement de caution a été condamné. En effet, les juges ont déduit que les deux associés étaient suffisamment avertis pour mesurer les risques pris en cautionnant la création d’entreprise.

1. Le Cautionnement c’est quoi ?

Le cautionnement est un contrat par lequel une personne, appelée caution, s’engage, à l’égard d’un créancier, à payer la dette d’un débiteur, dénommé débiteur principal, si celui-ci n’y satisfait pas lui-même (C. civ. art. 2288). La caution contracte ainsi l’obligation de payer une dette qui ne lui est pas propre : il s’agit de la dette d’autrui.

Aussi est-il logique que son obligation ne soit qu’accessoire, et de second rang.
– Accessoire : c’est le caractère essentiel du cautionnement qui est illustré en particulier par la règle édictée par l’article 2313 du Code civil « la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette »
– et de second rang : elle ne paie que si le débiteur est défaillant.

Le contrat de cautionnement suppose donc un accord écrit entre le créancier et la caution. Il peut résulter d’une promesse formulée par une lettre d’intention ou d’un engagement consigné par un jugement arrêtant le plan de continuation d’un débiteur en redressement judiciaire, par un contrat sous seing privé ou par un acte authentique.

2. Les cautionnements des dirigeants :

Le cautionnement consenti par le dirigeant social en garantie d’une dette sociale l’est à titre personnel : la société débitrice n’est donc pas obligée par celui-ci, ce qui relève de l’évidence, le cumul des qualités de caution et de débiteur principal dans la même personne n’ayant aucun sens.

En revanche, la société est obligée si le dirigeant social a consenti, au nom de la société, un cautionnement en garantie de la dette d’un tiers : en ce cas, seule la société l’est, à l’exclusion du dirigeant social qui n’a fait que représenter la société dans la conclusion du contrat de cautionnement.

Les dirigeants sociaux sont :
– dans les SA : les administrateurs, le président du conseil d’administration (PDG), le directeur général (DG), les DG délégués (DGD), les membres du directoire, les membres du conseil de surveillance et les DG uniques ;
– dans les SAS : le président, le DG et les DGD ;
– dans les SARL, SNC, SCS, SCA et sociétés civiles : les gérants.

3. Engagement exprès :

Comme l’indique l’article 2292 du Code civil, « le cautionnement ne se présume point : il doit être exprès et on ne peut pas l’étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté » : ce texte s’applique même au dirigeant qui cautionne la société qu’il dirige et implique qu’il ait manifesté sans équivoque sa volonté de garantir la dette sociale. Aussi ne peut-on pas déduire l’existence du cautionnement du silence gardé par le dirigeant social à la réception de la lettre du créancier sollicitant sa garantie.

L’exigence d’une manifestation de volonté non équivoque ne suffit toutefois pas : encore faut-il que la caution ait conscience de la nature et de l’étendue de son engagement, notamment lorsque le cautionnement est indéterminé par exemple si l’obligation garantie n’est pas chiffrée ou si la caution garantie un ensemble d’obligations sans limitation de montant. Il faut alors la mention exprimant de façon explicite et non équivoque la conscience qu’a eue la caution de l’étendue et de la nature de son engagement au jour de l’acte.

Mais cette conscience peut être déduite de la qualité de dirigeant social….

Ainsi, dans l’hypothèse d’un cautionnement consenti antérieurement à la conclusion du contrat duquel résultait la dette garantie, il a été jugé, sur le fondement de l’article 2292, que des juges du fond ne peuvent pas écarter le cautionnement « sans rechercher si, en particulier en raison de sa qualité de gérant de la société débitrice, M. David n’avait pas déjà eu connaissance de l’objet du contrat, ainsi que de ses clauses et conditions, et n’avait pas été dès lors en mesure d’apprécier précisément la nature et l’étendue de son engagement » (Cass. com. 12 mai 1992, n° 820 P, SA UFB Locabail c/ Régis).

4. Vice du consentement :

Comme n’importe quel cautionnement, et contrat, celui souscrit par le dirigeant doit être exempt d’erreur (C. civ. art. 1110), de violence (C. civ. art. 1111) et de dol (C. civ. art. 1116). Mais la reconnaissance de l’un de ces vices du consentement demeure relativement théorique.

Une gérante et associée unique d’une société se portant caution de deux prêts pour l’achat d’un fonds de commerce de restauration est une caution avertie, elle ne saurait se cacher derrière son manque de compétences (Cass. com. 5 avril 2011 n° 09-72.953, Caisse d’épargne et de prévoyance des Pays de la Loire c/ Le Floch). Doit être considérée comme une caution avertie une société rompue au domaine des affaires et dotée de compétences propres à lui permettre d’apprécier la portée de son engagement (Cass. com. 13 mars 2012 n° 10-30.923, Leg c/ Caisse de crédit mutuel de Yutz), ou en raison de son expérience professionnelle (Cass. com. 21 février 2012 n° 11-11.270, San Isidoro c/ Banque populaire Lorraine-Champagne).

5. Preuve du cautionnement

Cautionnement par acte sous seing privé. La preuve du cautionnement consenti par un dirigeant social est soumise à l’exigence de la mention manuscrite prévue par l’article 1326 du Code civil, même s’il s’agit d’un cautionnement omnibus, c’est-à-dire d’un cautionnement portant sur toutes les dettes de la société débitrice, sans limitation de montant : à défaut toutefois de montant chiffré (l’article 1326 vise « un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite de sa main, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres »), dont l’indication n’est possible que pour les cautionnements d’un montant déterminé, la mention manuscrite apposée par la caution doit exprimer « sous une forme quelconque, mais de façon explicite, la connaissance de la nature et de l’étendue de l’obligation qu’il contracte » (Cass. 1e civ.3 mars 1970,BNP c/ SCI Familia : Bull. civ. I n° 80 ; Cass. 1e civ. 4 février 1986, Gleize c/ Sté Marseillaise de crédit : Bull. civ. I n° 5).

Il est vrai que l’acte de cautionnement irrégulier au regard de l’article 1326 du Code civil suit le même régime que n’importe quel autre acte irrégulier : il constitue un commencement de preuve par écrit (C. civ. art. 1347) susceptible d’être complété par tout élément de preuve extrinsèque (Cass. com. 16 septembre 2008, n° 865 F-D, Sté Millet c/ Sulpice : RJDA 12/08 n° 1307). Cet élément de preuve pouvant résider uniquement dans la qualité de dirigeant social (Cass. com. 31 mai 1994 n° 1310 P, Benech c/ Sté Technicrédit : RJDA 11/94 n° 1184 ; Dr. sociétés octobre 1994 n° 165 note T. Bonneau et Cass. com. 31 mai 1994 n° 1279 P, Banque Chaix c/ Saint-Léger : RJDA 11/94 n° 1183 ; Dr. sociétés octobre 1994, précité), une preuve parfaite, malgré l’irrégularité, est facilement apportée.

Il a aussi été jugé que dès lors que l’engagement de cautionnement ne porte ni la mention manuscrite obligatoire de l’article 1326, ni la signature de l’intéressé, cet engagement est inexistant et l’aveu judiciaire de la dette ne saurait s’y substituer (CA St Denis de la Réunion 7 avril 2008 n° 05/01855, X… c/ Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Réunion).

Une formalité particulière est prescrite lorsqu’une personne physique se porte caution par acte sous seing privé envers un créancier professionnel. La caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de… couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de…, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et sur mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même » (C. consom. art. L 341-2 ; Cass. ch. mixte 22 septembre 2006 n° 05-13.517, Cass. com. 13 février 2007 n° 04-19.727 : RJDA 6/07 n° 658 ; Cass. com. 28 avril 2009 n° 08-11.616 : RJDA 8-9/09 n° 795 : nullité pour défaut de reprise de la formule même en présence d’un aveu judiciaire de la caution reconnaissant son engagement.

Cautionnement par acte authentique. Lorsque l’acte de cautionnement est un acte authentique, les exigences de l’article 1326 du Code civil ne lui sont pas applicables. La jurisprudence interprète les dispositions de l’article 457 du Code de procédure civile, aux termes desquelles un jugement a la force probante d’un acte authentique, comme visant non seulement son dispositif mais aussi toute mention relative aux faits qui se sont passés en présence du juge. En conséquence, constaté dans ces conditions, l’engagement d’un justiciable de se porter caution des obligations d’un tiers équivaut à un cautionnement donné par acte authentique.

6. Cautionnement et redressement judiciaire :

Après la mise en redressement judiciaire d’une société, un jugement du tribunal de commerce avait autorisé la poursuite de l’activité et pris acte de ce que le gérant s’engageait à se porter caution de l’exécution du plan à hauteur d’un certain montant. Le plan n’ayant pas été exécuté, la société avait été mise en liquidation judiciaire et le liquidateur avait poursuivi le gérant en exécution de son engagement. Celui-ci avait alors soutenu que l’existence d’un engagement de caution de sa part ne pouvait pas être déduite du jugement qui ne comportait pas sa signature. La Cour de cassation a écarté cet argument dès lors que le gérant s’est engagé en parfaite connaissance de cause devant le tribunal de commerce à régler une certaine somme pour le cas où le plan ne serait pas exécuté et que le cautionnement peut résulter d’un engagement consigné dans un jugement (Cass. com. 11 février 2004, précité).
Il est donc conseillé aux dirigeants d’être très prudents dans les déclarations qu’ils font devant le tribunal dans le but de sauver leur entreprise.

7. Limitation des engagements de caution des créateurs :

L’obtention d’un prêt NACRE, limite obligatoire la caution bancaire à hauteur de 50 % du prêt bancaire, l’autre partie étant garantie par BPI France.

Autre mesure : Prévoir, par exemple, que l’engagement se réduise au fur et à mesure de l’amortissement des crédits garantis. (beaucoup plus difficile à obtenir dans la réalité)

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